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à l'intérieur

à l'intérieur

 

c’est d’abord pour moi-même que j’écris et photographie, compulsivement. de la même manière je veux partager le résultat.

subjectivité

préface, février 2023

à chaque fois je me demande qu’est-ce que c’est. une impression, une vibration, une émotion que je ressens nettement, venant, semble-t-il, du cœur même de la matière, du cœur même du lieu dès l’instant où j’y pénètre. pourtant, au jour le jour, aucun lieu quotidien ne se présente jamais ainsi : il s’offre tout simplement, tel un objet. est-ce la persistance des traces éthérées et combinées de toutes nos pensées, nos intentions et nos gestes imprégnant l’espace jusqu’à présent, en sus de son possible processus de matérialisation ?  une longue question.

et c’est quoi, cette réceptivité ? l’imagination qui me joue des tours ? un trouble de la personnalité ? un flair intuitif ? un acte compulsif, comme l’ouverture que l’on démontre envers autrui lorsqu’on se reconnaît en eux, comme notre réaction à la présence de phéromones ? ou est-ce le simple résultat de l’expectative ? au fur et à mesure que je m’abandonne à la volonté de mes pas, que je parcours un à un chacun de ces lieux,  j’absorbe toute la vie qui les anime, toute les particularités que chacun offre. je les interroge ; tant bien que mal je capte leurs discours, que je resserre et recadre. Je les traduis, je les interprète ; j’avance quelques hypothèses — photographie de terrain et psychogéographie. j’écris chaque image au « je », et par la création d’images en retour je m’ouvre à eux. je viens habiter ces endroits. je les reconnais comme cette sensation qui m’accueille lorsque je rentre à la maison, dès que je mets la main sur la poignée. comme un retour vers le tout, un retour vers moi-même.

est-ce que la photo et le mot peuvent rendre tout cela perceptible ? je me souviens avoir vu, quand j’étais petit, l’image d’un garçon marchant sous un rayon de soleil, un rayon juste pour lui, qui inspirait chacun de ses gestes ; la révélation que j’ai eue ce jour-là n’était pas tant ce que le dessin représentait que le fait qu’on ait trouvé une façon de le représenter. aujourd’hui, c’est quand je regarde cette photographie de Jerry Shore je ressens toute la vibration d’un lieu fascinant comme si j’y étais : aujourd’hui ce n’est plus l’extraordinaire des choses qui s’adresse à moi. mon choix s’est lentement détourné de l’idéalisme. je suis plus enclin à écouter la matière. l’entendre parler avec son vocabulaire ordinaire. sa surface âpre murmure-t-elle vraiment son immatérialité ? mon regard se tourne involontairement du côté de son visage quotidien, et cherche à confirmer mes impressions. est-ce que le mot et l’image peuvent transcender ces apparences trompeuses de la même façon que je les perçois ? ou n’est-ce rien d’autre qu’un malin processus de sublimation, la matérialité de la vie étant trop dense et trop lourde à porter ? ultimement, est-ce pertinent de répondre à toutes ces questions ? la réponse pourrait bien être une autre question, et la question initiale l’étincelle qui m’anime depuis le départ.

 

voici le lien vers “cette photographie de Jerry Shore